La saga des mégalithes des toits

L’extraction des carrières, la transport, l’élévation et la pose des mégalithes qui recouvrent les toits de la chambre basse dite « de la reine » et de la chambre haute dite « du roi » ont été le morceau de bravoure de la construction de la pyramide de Chéops.

Dans les chapitres qui suivent je vais décrire par quelles méthodes et avec quels outils, les constructeurs auraient pu réussir cet exploit avec une économie de moyens extraordinaire, rendu possible seulement par une utilisation intelligente des lois de la nature et encore et toujours une grande précision dans l’exécution.

Dans la pyramide de Chéops, les toits de la chambre basse sont recouverts de 18 doubles chevrons de 7 m de long 2.4 m de haut et .8 m d’épaisseur qui pèsent 32 t chacun.

Au dessus de la chambre haute, un incroyable empilage de plus de 50 blocs de 6 à 7 m de long de 1.25 à 2.6 m de hauteur et de 1 à 2 m d’épaisseur, pesant de 30 à 65 t pièce, sur lequel je vais concentrer mon récit..

Chambre haute
Crédit Maraglioglio & Rinaldi

Ces mégalithes ont commencé à être posés pour fermer le volume de la chambre haute à partir de la cote 49 m, jusqu’à la cote 60 m ce qui correspond à la hauteur de 13 assises.

La vitesse moyenne d’élévation de la pyramide à ce niveau aurait pu être de l’ordre de 24 j par assise, soit ici un délai de l’ordre de deux années pour poser le toit.

Un des facteurs clés de succès de cette opération fut l’utilisation d’un processus sans reprise de charge depuis la mise à l’eau du mégalithe dans une barge individuelle à Assouan jusqu’à sa pose finale dans la pyramide.

Le bas du plateau de Gizeh  était atteint par les eaux du Nil lors de la crue annuelle, à l’altitude de 15 m les fouilles de « la ville des travailleurs » ont mis à jour des vestiges d’installations portuaires, et l’on a découvert dans les faubourgs du Caire le vestige d’une digue dont la partie haute était à 15 m d’altitude également.

C’est donc qu’il existait un port dont on ignore la configuration du plan d’eau mais une partie de celui-ci devait atteindre le site du « temple d’en bas  » de la pyramide de Chéops.

Ce plan d’eau était remplit une fois par an par la crue et son niveau était maintenu le reste de l’année par une équipe de pompage pour compenser les pertes par évaporation ( 1.5 m / an) , la consommation d’eau de la « ville des travailleurs » et celle des écluses permettant aux embarcations de ravitaillement de la ville et du chantier amenées par le canal qui faisait la liaison entre le Nil et la ville, de passer du niveau variable du Nil au niveau de 15 m du plan d’eau du port.

Il est certain que le niveau de 15 m n’est pas le niveau de la plus haute crue du Nil, c’est pourquoi on trouve les bases des « temples d’en bas » au niveau 20 m.

Du point de vue du chantier de la pyramide le plan d’eau pouvait servir de stockage intermédiaire d’un certain volume de pierres flottant dans leurs barges en provenance d’Assouan ou de Turah, permettant de désynchroniser le rythme d’extraction et transport des blocs de celui de leur pose dans la pyramide.

Pour être extraites du plan d’eau, les pierres passaient dans un bassin de débarquement d’une surface suffisante pour recevoir le plus gros mégalithe dans sa barge et d’une profondeur de l’ordre de 5 à 6 m. Cette profondeur était nécessaire pour pouvoir redresser les mégalithes du toit.

Les mégalithes flottaient couchés afin que le tirant d’eau de la barge soit minimal, mais  voyageaient debout sur le chantier pour être posés en basculant sur leur emplacement définitif.

Débarqués sur leurs roulements au pied du plateau au niveau 10 m, ils avaient encore 750 m à progresser tout en s’élevant de 50 m sur la chaussée d’accès à la pyramide, puis à progresser sur la piste d’accès au monte charge qui traverse la pyramide, puis une fois sur l’assise à faire un trajet avec 3 changements de direction  avant d’être posés.

Manutentionner ces monstres en continu sans les outils de levage que l’on connait de nos jours, les faire circuler dans d’étroites galeries, les élever de 60 m dans une cage de monte charge fut un des grands défis de la pyramide de Chéops. Défis qui n’a pu être relevé que par une connaissance partie théorique, partie empirique des lois du mouvement des corps et une très grande précision d’exécution tout au long de la progression des mégalithes rendue possible par une équipement spécial prévu à l’avance.

Les chapitres consacrés au trajet maritime, au débarquement, à l’ascension de la chaussée, à l’élévation dans le monte charge, et la pose à leur emplacement décrivent avec détail comment cela aurait pu se passer.

Pour mieux comprendre le trajet des mégalithes sur le chantier, on peut examiner ci-dessous le schéma de principe de la « configuration basse » du chantier:

Plan d'ensemble

Les barges portant les blocs arrivent du Nil dans un canal de liaison avec le chantier de la pyramide.

Les barges passent du niveau constamment variable du Nil au niveau fixe du plan d’eau du port à travers un ensemble d’écluses et sont stockées en attente sur une partie de ce plan d’eau.

ArrivéeEcluses

Un bassin de débarquement communiquant avec le plan d’eau par une porte étanche et avec la chaussée d’accès à la pyramide par une autre porte étanche, reçoit les  mégalithes  un à un pour les redresser et les poser sur leurs patins de roulement, ce qui est l’affaire d’une journée de travail.

Bassin Débarquement

Ils sont pris en charge par l’équipe qui va leur faire parcourir les 750 m de la chaussée en les élevant de 50 m, qui prendra encore une journée de travail.

A l’issue de ce parcours, une « fosse à barque »

fosse E-O

qui est encore visible sur le parvis de la pyramide, va élever le bloc de 6 m pour le poser sur la piste de lancement qui va lui donner une vitesse initiale pour parcourir le trajet qui va le conduire au seuil de chargement de l’ascenseur, ce qui prendra encore une journée de travail.

Une fois sur le monte charge à flotteur oscillant du premier étage, il va être élevé jusqu’au niveau 60 m avec une procédure spéciale qui prendra encore une journée de travail.

Arrivé à son altitude de pose, il va parcourir d’une traite un circuit d’environ 80 m de long comportant 3 virages qui va conduire en quelques minutes seulement le mégalithe à son emplacement définitif.

De l’extraction du plan d’eau de stockage à sa pose définitive, le mégalithe aura suivit un cycle de manipulations d’une durée de 4 jours qui aura mobilisé une équipe de même pas une centaine de personnes.

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