Le flotteur oscillant est une évolution du flotteur submersible inventé par Imhotep pour la pyramide de Saqqarah.
Il repose sur le phénomène naturel suivant, un flotteur correctement lesté, se met à osciller verticalement si on entretient cette oscillation.
Si H est la longueur du flotteur dans l’eau au point d’équilibre statique, on trouve en simplifiant que la période de l’oscillation est égale à 2 × √ H par exemple 8.25 s pour H =17 m.
Ce flotteur peut faire un ascenseur vertical très performant, cependant la hauteur de la course est limitée à environ 4 m à cause l’énergie perdue dans les frottement de l’eau sur le flotteur qui s’accroit avec le cube de la course
Pour comprendre l’intérêt du flotteur oscillant, prenons l’exemple du flotteur du premier étage de la pyramide de Khéops.
Le flotteur mesure 37 m de long, pour une course en charge de +/- 2 m autour du niveau de son équilibre statique, sa section fait 4 M².
A son point d’équilibre hydrostatique, il s’enfonce de 37 -2 = 34 m dans le puits, son poids est de 35 x 4 = 140 t, la période de ses oscillation 2 x √ 35 = 11.8 s, une fois lancé il fait une course de +/- 2 m par rapport à son point d’équilibre statique, son mouvement est de nature sinusoïdale.
Le point haut de la course dans la cage est au niveau 28.9 m, le pas de chargement des blocs au niveau 3.4 m, la course maximum sera donc de 28.9 – 3.4 = 25.5 m, mais à chaque cycle le flotteur ne pourra élever que de 4 m, il faudra donc que le plateau portant le bloc à élever soit retenu dans des cliquets anti retour à la première élévation de 4 m pour que par la suite une réhausse de 4 m soit introduite sur le flotteur pour qu’à la prochaine élévation elle soit porté 4 m plus haut, il faudra donc introduire 6 réhausses plus une dernière pour porter le bloc au niveau 28.9 m
- Une fois mis en mouvement par des opérateurs avec une amplitude de +/- 2 m pour une course totale de 4 m , à son point haut ce flotteur dispose d’une énergie potentielle qui est le produit de l’élongation de son centre de gravité par son poids, ici à sa course maximale 140 000 x 9.81 x 2 = 2 746 800 KJ ou 763 KWH, ce qui est énorme, en contre partie il aura besoin d’apport d’énergie substantiel pour créer ce mouvement**.
- Si au point bas de sa course on charge une pierre de 22 t sur le plateau du flotteur, l’énergie emmagasiné par le mouvement du flotteur, n’aura pas changé, mais le poids de l’ensemble sera plus élevé de 22 t passant à 162 t, donc l’amplitude du mouvement va diminuer pour que l’énergie potentielle au point haut retrouve la même valeur.
- L’amplitude de l’oscillation va diminuer proportionnellement aux charges, donc dans cet exemple, en élevant un bloc de 22 t avec une course à vide de 4 m, la course en charge ne sera seulement que 4 x 140/ (140 + 22) = 3.46 m, Il manque donc encore 4 – 3.46 = 0.54 m pour que le plateau puisse reposer sur les cliquets anti retour. Il faudra donc « recharger » en énergie l’ensemble flotteur + bloc en faisant descendre à chaque cycle une vingtaine d’opérateurs, soit une charge de 2 t sur le plateau et le bloc. Il faudra donc faire 10 cycles + 1 pour compenser les pertes par frottement de l’eau, pour que l’amplitude des oscillation redevienne +/- 2 m et que le plateau s’accroche sur les cliquets anti retour.
- Après quoi au cycle suivant une réhausse de 4 m sera posées sur le flotteur pour élever de 3.46 m le plateau supportant le bloc, et ajouter encore 11 cycles en laissant descendre 20 opérateurs avec le plateau pour de nouveau atteindre une amplitude de l’élévation de 4 m afin que la réhausse nouvellement engagée repose sur les cliquets anti retour.
- Le flotteur élèvera donc la pierre de 22 t de 3.46 m de hauteur en un temps égal à 1/4 de période soit 5.5 secondes, il aura cédé au bloc de 22 t l’énergie potentielle que celui ci aura acquise en fin d’élévation, soit 22 000 x 3.46 x 9.81 = 746 740 KJ ou 208 KWH, ce qui équivaut à une puissance instantanée exercée de 136 KW ce qui est colossal pour un engin actionné manuellement!
- Le prix à payer pour développer cette puissance au prochain coup sera de faire descendre sur le plateau 2t d’opérateurs sur 12 cycles, pour retrouver l’amplitude de +/- 2 m des oscillations, ce qui prendra 12 x 11.8 = 142 s près de 2.5 mn, la puissance consommée en moyenne pour faire cette élévation aura donc été de 22 000 x 9.81 x 4 / 142 = 6 KW ce qui aurait nécessité de faire travailler une équipe de 30 opérateurs se relayant pendant toute une ascension.
- Si le bloc de 22 t avait été élevé à la portée maximum de l’étage, il aurait fallu 7 coups chacun durant 142 s donc une durée de 994 s ou près de 16.5 mn.
- Pour compenser les pertes par frottement il aura fallu à chaque descente du plateau, un opérateur supplémentaire soit 1 / 20 donc un rendement de 95%
Cependant pour accéder à cette performance il y a deux conditions préalables à remplir chacune posant un problème à résoudre:
- Le flotteur étant toujours en mouvement, il faut être capable de charger une pierre sur le plateau à la volée en moins de 1 s et la décharger en 11 s. C’est un problème de mécanique dont une solution est expliquée ici.
- Dans son mouvement de +/- 2 m la vitesse crête du flotteur dans l’eau est de 1 m/s, le frottement de l’eau sur la surface introduit un freinage qui dans cet exemple se traduit par une consommation d’énergie de 3 KJ par cycle, Cette déperdition doit être compensée à chaque cycle en mobilisant 1 opérateur sur le plateau. Mais avec une amplitude double +/- 4 m l’énergie perdue par frottements aurait été de 26 KJ par cycle et 89 KJ pour +/- 12 m.
- Le flotteur oscillant déplace beaucoup d’eau (+/- 8 M3 dans l’exemple) pour ne pas que le niveau d’eau soit trop modifié par la course du flotteur. Il a fallu construire à l’intérieur de la pyramide, un réservoir d’eau qui présente une surface importante de l’ordre de 30 fois la section du flotteur, alors que cette chambre est soumise à une pression de pierres énorme. C’est un problème d’architecture.
Fort heureusement par rapport à un sous marin cette pression ne s’exerce que verticalement de haut en bas mais pose un problème de résistance mécanique du plafond, qui sera résolu par une voûte en double chevron.
La première précaution prise aurait été de chercher à limiter la section du flotteur pour minimiser la surface du réservoir, mais c’était alors au détriment du poids maximum que l’on pouvait élever dans la pyramide.
Dans la pyramide de Chéops les dimensions de chambres sont conséquentes grâce à l’utilisation d’un grotte taillée dans la roche pour le premier étage: 126 M² de surface, l’adjonction d’une galerie horizontale de 40 M² de surface à la chambre basse: 81 M² de surface en tout et une chambre haute de 50 M² qui pouvait suffire pour un flotteur de section réduite.
Il faut comprendre qu’il y a deux modes possibles de fonctionnement de ce flotteur dans un puits:
- Le flotteur est immergé dans la colonne d’eau, il oscille autour de la ligne de flottaison de son point d’équilibre hydrostatique, le mode le plus simple à réaliser.
- Le flotteur, en fait un piston, est au dessus de la colonne d’eau qu’il comprime ce qui nécessite une étanchéité entre le flotteur et le puits.
Pourquoi se compliquer la vie à créer une étanchéité?
Pour la raison suivante:
- Dans le premier cas, le niveau d’eau du circuit ne peut dépasser le haut du puits, sinon le circuit se viderait par cet orifice. La course du flotteur ne peut être supérieure à la longueur du puits, donc à la course maximum, en équilibre statique, le flotteur est immergé de sa demi hauteur et en fonction du principe d’Archimède va peser un poids qui est égal à son volume immergé.
- Dans le deuxième cas, le niveau de l’eau dans le circuit peut être notablement au dessus du point haut du puits puisque l’eau ne passe plus entre le puits et le flotteur qui devient de facto un piston. A la course maximum, au point d’équilibre statique, le flotteur-piston sera encore engagé à mi-course dans le cylindre, mais au lieu de repousser seulement sa demi-hauteur d’eau, il pourra repousser en plus tout le dépassement de niveau du haut du puits pour ça il devra être d’autant plus lourd dépassant les 100 t, donc plus puissant et osciller avec une période plus grande, ce qui sera nécessaire pour élever les mégalithes de la chambre haute.
Flotteur immergé:
En fait, tout en respectant sa solidité pour soulever de lourdes charges sans plier, on a intérêt à ce que flotteur lui même soit le plus léger possible et donc le lest en position basse le plus lourd possible, pour que le centre de gravité du flotteur soit le plus bas possible au dessous du centre de poussée, gage de stabilité verticale dans son mouvement.
La conséquence en sera que pour 80% de la course du flotteur, le centre de gravité, se situera en dessous du centre de poussée, donc la trajectoire du flotteur sera exactement verticale, c’est le travail de la pesanteur.
La limite supérieure de la hauteur d’élévation est donnée par la capacité technologique de réaliser des flotteurs étanches de grande longueur capables de supporter de lourdes charges.
Flotteur piston:
Il n’existe que pour l’oscillateur de la grotte souterraine de Chéops dans une configuration particulière pour soulever les mégalithes du toit de la chambre haute:
Dans cette configuration, le niveau d’eau dans le circuit peut être notablement plus élevé que le point haut du cylindre (21 m d’altitude contre 3 m), donc pour maintenir l’équilibre statique au même point de fonctionnement, il faut alourdir le flotteur-piston ce qui permet à la fois d’augmenter la période de l’oscillation et la capacité à soulever des charges plus lourdes.
Ce schéma impose une étanchéité piston cylindre qui est un problème difficile qui a été résolu avec élégance par les constructeurs, mais néanmoins cela introduit une pièce d’usure donc une fragilité, il y a des millions de pierres à monter mais des dizaines de millions de va et viens des flotteurs élévateurs.
Ce schéma ne fut donc utilisé que pour une ou deux centaines de pierres, les mégalithes du toit de la chambre haute et du complexe mortuaire.
Les équations de fonctionnement sont les même mais la masse du piston flotteur est plus élevée que celle du flotteur immergé.
Des six grandes pyramides à faces lisses, seulement deux: celles attribuées à Chéops et Khéphren disposent de flotteurs oscillants et seulement pour les 3 premiers étages. Les 4 autres pyramides et les étages supérieurs de ces deux dernières utilisant les flotteurs submersibles de deuxième génération.