La chronologie Égyptienne au risque de son calendrier

Pour en savoir plus sur le calendrier Égyptien

La chronologie égyptienne est très confuse, car elle est découpée en périodes correspondantes aux règnes des pharaons. Pour s’y retrouver 4000 ans plus tard, il faut connaître tous les rois ainsi que leurs durées de règne, mais cela reste un sujet à discussion. A ce jour il n’y a pas une mais plusieurs chronologies, qui sont par ailleurs tenues dans le calendrier Julien et non pas Égyptien.

Je me suis longtemps demandé, comment se faisait-t-il que des « prêtres » si précis et rigoureux, totalement informés des mouvements du ciel et sachant que l’année durait 365 jours et un quart aient imposé un calendrier de 365 jours sans années bissextiles , et constamment en décalage avant par rapport au ciel.

La réponse m’est venue après des mois de réflexions par la datation des levers héliaque de l’étoile Sirius:

Cette étoile, la plus brillante du ciel, peut être observée à l’aube à une certaine période de l’année, juste avant le lever du soleil ; c’est ce qu’on appelle le lever héliaque de Sirius. Il marque le début d’une nouvelle année et intervient tous les 365,25 jours.

La différence de hauteur dans le ciel entre Sirius et le soleil est appelée « arcus visionus » cette valeur fait que malgré l’éclairage du ciel par le soleil juste avant son lever, on peut encore observer un court moment le lever de l’étoile Sirius à l’horizon avant que le soleil ne l’éteigne. Cette valeur se tient entre 8 et 9 degrés d’arc.

Le calendrier « civil » Égyptien, parfois appelé « vague », a 365 jours et prend tous les 4 ans un jour d’avance sur le lever héliaque de Sirius.

Ainsi au fil du temps, au bout de 1460 ans (période Sothiaque), la date du lever héliaque de Sirius aura parcouru tout le calendrier, ce qui fait que chaque jour du lever héliaque de Sirius est le marqueur d’un cumul d’années depuis le I Akeht 1 qui est le premier jour de la première année de mise en oeuvre du calendrier.

Il suffit de lire le jour du lever héliaque de Sirius pour connaître le nombre d’années depuis le début du calendrier égyptien avec une imprécision de +/- 3 ans toutefois.

Ainsi depuis le départ du calendrier, on pouvait dans le futur connaitre les années écoulées en fonction de la date égyptienne de l’observation du lever héliaque de Sirius.

Akhet, Peret, Shemou sont les 3 saisons, chacune de 4 mois, chacun de 30 jours, 5 jours supplémentaires dits épagomènes complètent les 365 jours.

Cumul LHS Absolu

Pour continuer I Akhet 1 année 2920 début de la troisième période Sothiaque de 1460 ans parfois appelée « grande année ».

Exemple: le lever héliaque de Sirius survenu le II Shemou 1 nous place soit en 1080 soit 2540 du début du calendrier, avec toutefois une imprécision de +/- 3 ans.

Il nous manque cependant une information, c’est la date de départ du calendrier Égyptien exprimée dans le calendrier Julien.

Néanmoins, il est possible de synchroniser les deux calendriers à partir de la date de lever héliaque de Sirius, connaissant à la fois la date dans le calendrier Julien et dans le calendrier égyptien.

En l’an 139 du calendrier Julien le Grammairien Censorin fit l’observation d’un lever héliaque, le I Akhet 1 du calendrier Égyptien encore en service à cette époque dans l’empire.

À cet époque, Censorinus aurait pu l’observer à Alexandrie, siège du pouvoir Romain/Egyptien, ce qui correspond à un 19 juillet, avec un arcus visionis de 9°, six jours après la nouvelle lune.

Si l’observation de Censorinus avait été exacte on aurait pu avoir un démarrage du calendrier Égyptien  -2920 années plus tôt soit 2 périodes Sothiaques.

On peut ainsi exprimer la chronologie égyptienne en années Juliennes:

Le calendrier Égyptien aurait démarré en -2781 du calendrier Julien, date d’un lever héliaque de Sirius dans la zone d’Alexandrie, du fait de la précession des équinoxes, l’observation eut été faite un 17 juillet et non pas un 19, jour de nouvelle lune

Cerise sur le gâteau le 17 juillet -2781 était également le jour du solstice d’été.

cumul LHS Julien

Pour finir I Aket 1 2920 du calendrier égyptien = 19 juillet 139 du calendrier Julien date de l’observation de Censorinus.

Par exemple un lever héliaque de Sirius relevé un II Shemou 1 nous met en -1701 où en -241 +/-3.

Si les quelques levers héliaques de Sirius relatés tout au long de l’histoire Égyptienne, avaient été observés dans un autre lieu, il aurait fallu corriger la date du jour avec le décalage de lever de Sirius entre ce lieu et Alexandrie.


Les anciens Égyptiens étaient « des malades de la précision », il est tout à fait inconcevable qu’ils aient construit un système imprécis de plus ou moins 3 ans pour dater.

Pour lever cette incertitude, ils avaient un calendrier lunaire en parallèle avec le calendrier Sothiaque. Le cycle lunaire dit synodique dure 29,53058885 jours entre deux lunaisons, l’année lunaire de 12 mois durait donc 354,3670662 jours et se décalait régulièrement de 10.6329338 jours du calendrier civil tous les ans, soit 0.36006508 de cycle lunaire, ou très proche de 1 quartier 1/2 tous les levers héliaques.

Les levers héliaques successifs présentaient donc systématiquement un quartier de lune différent. Au bout de 14 ans 5 cycles lunaires complets avaient été constatés le premier jour de l’an avec retour du quartier présent le premier jour de la mise en service du calendrier, plus un décalage imperceptible de 1.6 dixième de quartier.

Ce léger décalage fit qu’au bout de 25 ans les prêtres avaient pu constater 9 cycles complets plus un décalage totalement invisible de 4/1000 de quartiers.

La civilisation Egyptienne n’a pas duré assez longtemps pour que cet infime décalage cumulé ait pu être un jour mesurable, en conséquence le cycle de 25 ans a pu rester immuable sans introduire la moindre erreur.

Pendant les 25 premières années d’usage du calendrier civil égyptien, les prêtres avaient donc eu tout le loisir d’établir une table de correspondance entre le lever héliaque de Sirius et la phase de la lune ce jour là, table qui se reproduisait à l’identique tous les 25 ans.

Par ce double usage de la lune et de Sirius, le calendrier civil était aussi une chronologie, passée et future qui donne à chaque lever héliaque de Sirius l’année exacte depuis le départ du calendrier civil égyptien en fonction de la date du jour de cette observation prise dans le calendrier « civil » parfois appelé « vague » et de la phase de la lune.

Avec ce filet de sécurité « en béton », les anciens Égyptiens pouvaient donc dater leur chronologie de l’année de prise de fonction de chaque pharaon sans risquer de  perdre au fil du temps à cause des aléas du pouvoir et des périodes dites « intermédiaires ».


Nous pouvons maintenant faire un test de cohérence avec d’autres observations d’un lever héliaque.

La chronique nous rapporte l’observation d’un lever héliaque sous Amenhotep I an 9, le III shemou 9  en période de pleine lune.

Quelle serait la date Julienne de cette observation?

Puisque que le lieu de l’observation n’est pas donnée, je vais supposer qu’elle a eu lieu à Thèbes, lieu de pouvoir à cette époque. L’observation du lever héliaque à Thèbes a 6 jours d’avance sur Alexandrie, je dois donc rectifier la date au III Shemou 15 pour Alexandrie.

III Shemou 15 est le jour 315 de l’année, il s’est passé 315 x 4 = 1260 +/- 3 années depuis le début du calendrier.

Ce qui place l’année Julienne de cette observation en -2781 + 1260 = -1521 +/- 3

Dans cette période, pour que la pleine lune coïncide à Thèbes avec le lever héliaque de Sirius, il faut se placer le 12 juillet -1523.  .

Donc l’observation du lever héliaque de Sirius faite sous Amehotep I eut lieu à la date Julienne du 12 Juillet -1523 à Thèbes, ce qui place le début du règne en -1532

Cette observation contredit la chronologie « officielle » qui le place de -1514 à -1493.

Si l’observation du lever héliaque avait eu lieu à Héliopolis et non pas à Thèbes, les mêmes calculs aboutissent au 16 juillet -1549, année encore plus éloignée de la période supposée pour Amenhotep I et si Assouan avait été le lieu de l’observation, il n’y aurait pas eu de date compatible avec une pleine lune.

Une autre observation connue, faite sous Sethy I, donne un lever héliaque de Sirius en l’an 4 de son règne, le I Akhet 1, sans mentionner la phase de la Lune. Si l’observation avait été à Thèbes, le lever aurait eu lieu le I Akhet 7 à Alexandrie, soit 1460 + 28 = 1486 années. Cela donne un lever au 16 juillet -1295 +/- 3 or selon la chronologie dite « officielle », il commença entre -1294 et -1283. Il y a un écart minimum de 2 ans pour cet évènement entre ces deux chronologies.

Autre observation inscrite sur un objet en ivoire datant du règne de Djer indique aussi le I Aket 1 sans indication de la phase lunaire, ni du lieu qui s’il s’était tenu dans la zone d’Alexandrie porterait cet événement au 17 juillet -2781 +/- 3, date du début du calendrier.

Une autre observation sous Mentouhotep II signale un lever héliaque le II Peret 21, sans mention de la phase de la lune, ni du lieu, qui s’il fut dans la zone d’Alexandrie aurait porté cette date en juillet -2097 +/- 3 . Si le lieu eut été Thèbes, il aurait fallu ajouter 7 jours donc 28 ans soit -2069 +/-3, alors que le règne de Menthouhotep est supposé s’être tenu entre – 2045 et -1994. Il y a donc incompatibilité de l’observation avec la chronologie « officielle ».

Testons l’observation sous Thoutmosis III, pleine lune, lever héliaque, an 25 le III Shemou 28.

Il faut ajouter 7 jours si l’observation avait été faite à Thèbes, la date tomberait au IV Shemou 5, ce qui correspond au 335e jour de l’année et 1340 ans depuis le début du calendrier égyptien, ce qui place cet événement en -1441 +/- 3 (calendrier julien).

Le lever héliaque ayant été observé à Thèbes tombe le 12 juillet -1444 et la pleine lune avait deux jours. Le règne aurait donc dû commencer 25 ans plus tôt soit en -1469. La chronique place le début du règne en -1472 soit 3 ans d’écart.

Testons l’observation sous Auguste an 5, III Shemou 25, l’observation aurait pu à cette époque être faite à Alexandrie. III Shemou 25 est le jour 325 du calendrier donc 1300 ans après le début du calendrier, il faut ici ajouter une période Sothiaque de 1460 ans soit 2760 années depuis le début du calendrier soit -2781 + 2760 = – 21 +/-3, soit un début de règne en -26 ± 3. Très peu d’écart avec le règne d’Auguste de -30 à 14.

Enfin, une observation d’un lever héliaque de Sirius nous est rapporté sous Ptolémée III, an 9, le II Shemou 1, sans mention de la lune, ni du lieu, mais il est possible que ce fut à Alexandrie. Cette date donne le jour 271 de l’année donc 1084 ans depuis le début du calendrier égyptien plus une période Sothiaque soit 2541 ans, ce qui nous conduit à un 19 juillet -240 +/-3, ce qui place le début du règne en -245 +/-3 année compatible avec le règne de Ptolémée III donné par la chronologie « officielle » qui le situe entre -246 et -221.

Sauf pour Mentouhotep II, et Amehotep I, le calendrier Égyptien donne des dates assez proches de la chronologie « officielle ».

Le calendrier Égyptien étant lui, un instrument fidèle et de précision, certains ajustements devraient être faits dans les chronologies Égyptiennes pour en tenir compte.